Jacques ARNAUD

LOUISVILLE Suite...

    J'ai effectivement une multitude d'idées qui me trottent dans le crâne. Elles ne demandent d'ailleurs plus qu'à être transformées en récit dès que je réussirais à en trouver le temps.

Néanmoins, un de ces projets m'est venu de mon expérience récente. En effet, il est très difficile d'être publié lorsque l'on est débutant. Qu'il s'agisse de livres ou de scénarios, trouver un éditeur, un réalisateur, qui accepte de se lancer, et propose une collaboration à un illustre inconnu, ou se faire connaître du public lorsque l'on s'est engagé dans une édition à compte d'auteur, relève du parcourt du combattant. Je ne pense pas qu'il y ait de recette miracle. Ne pas se désespérer, avoir un peu de chance, essayer d'entrer dans la bonne maison, frapper à la bonne porte, courir et courir encore, tout ça pour si peu… Combien de déceptions ? De désillusions ?

    Et pourtant, tout n'est pas bon pour la poubelle… Même si tout n'est pas parfait, il y a tout de même une partie de ce travail qui mérite un peu d'attention ? Lorsqu'on est tout seul dans son coin, on ne peut pas produire une histoire sans défaut, un récit qui ne prête, à un certain moment, à sourire, de par sa naïveté.

En ce qui me concerne, je pense avoir eu de la chance :

  • Si, au début, les éditions Baudelaire avaient voulu rester fidèles à leur ligne éditoriale, ils n'auraient jamais accepté de me publier. Mon premier livre était si éloigné du monde de la poésie !

  • Si, le commercial qui parcourt la France pour essayer de placer leurs livres chez les petits libraires indépendants avait, lui aussi, été amoureux des belles lettres, il ne m'aurait certainement pas mis en avant dans ses démarches commerciales.

  • Si, cette maison d'édition m'avait adressé en fin d'année une reddition des comptes un peu moins misérable, je serais encore chez eux. Engagé dans une aventure sans lendemain. Condamné à rester un imbécile vaniteux, un écrivain incapable de licence poétique…

Des si comme ça on peut en trouver tant qu'on en veut. Mais celui-là de si est aussi important :

  • Si j'avais dû payer quelqu'un pour parcourir la France, et recommander mon livre auprès des petits libraires indépendants, cela m'aurait coûté autrement plus cher !

Et ne parlons pas du prix d'une campagne médiatique classique…

   Toujours est-il qu'aujourd'hui, je peux espérer sortir de l'anonymat, et savoir si mon nouveau livre plaît. Essayer d'en vivre, est-ce trop demander ?

Faire ce que l'on aime ! Et vous, qu'en pensez-vous ?

    Même si mon second livre ne se prête pas à la construction d'une suite, en revanche, mon premier livre oui. Plusieurs personnes l'ayant lu m'ont dit être impatientes d'en connaître la suite... Certes, j'ai quelques bonnes idées sur ce sujet. Mais je ne voudrais pas devenir l'esclave de mes personnages. Faire comme ces écrivains de « polars spécial bronzette ». Je préférerais continuer à imaginer d'autres histoires, et puis d'autres encore. Sans vraiment de lien entre elles. Avec pour seule limite celle de mon imagination. C'est là un comportement effroyablement égoïste. Et vous m'en voyez désolé ! Mais je me fais vieux. Bientôt ce sera la retraite. Ne riez pas, le temps passe si vite. Et alors j'aurais tout mon temps pour écrire. Et, après tout, c'est moi qui décide !

    Mais c'est aussi dans ces instants d'intense égoïsme que m'est venue cette idée diabolique. Pourquoi n'écririez-vous pas vous-même cette, ou ces suites ? Sachez que la décision d'écrire mon premier livre n'a été qu'une suite de décisions étranges.

Je m'explique : étant scénariste, et voyant que mes scénarios n'intéressaient personne, je me suis dit que cela venait peut-être du fait qu'il s'agissait de longs métrages. D'œuvres chères à réaliser !

Aussi ai-je décidé de me lancer dans l'écriture d'un court métrage.

   Au fil du temps, cette histoire n'a cessé de prendre de l'ampleur. Prise scène après scène, elle me laissait à chaque fois sur ma faim. Avec cette étrange impression de ne pas être finie.

Puis le court métrage s'est transformé en moyen métrage.

Et, comme il y avait dans ce film beaucoup trop de voix off à mon goût (tout le monde ne s'appelle pas Marcel Pagnol), j'ai finalement décidé de changer totalement d'orientation en le transformant en une sorte de carnet de bord. Avec les pensées de la personne censée l'avoir écrit, très clairement exprimées. Et celles des autres personnes, seulement imaginées. En y ajoutant même volontairement des erreurs évidentes d'interprétation. Je ne suis pas fondamentalement un écrivain.

   Je vais rester des heures sur un problème de continuité dans l'action. Dans le déroulement de mon histoire. Traquer ces temps morts qui ennuient et transforment une bien belle histoire en un de ces trucs mortels d'intellos. En cherchant inconsciemment à supprimer ces idées qui font que le film va coûter trop cher à produire... En revanche, la recherche du mot exact ne va pas m'arrêter bien longtemps. Un dictionnaire des synonymes me suffira pour me sortir de situation.

Je reste un scénariste dans l'âme. Un bâtisseur de film...

Je suis aussi intimement persuadé qu'internet a changé notre vision de la littérature moderne. Enfin pour une grande partie d'entre nous. Il suffit pour cela de regarder les livres qui sont publiés de nos jours. Lire ceux qui ont du succès. Certes, les productions des grandes maisons d'édition sont toujours présentes. Mais il y a aussi bien peu d'innovations dans toute cette production.

En réalité, ce n'est pas vrai. Mais nous sommes devenus tellement exigent. La source d'idées, propre à cette si belle machine tend à se tarir. Dans le temps, un auteur tel que Balzac, par exemple, restait des années et des années à la recherche d'argent, même toute sa vie d'ailleurs. Aujourd'hui, des auteurs tels que Musso, par exemple, n'ont aucun plus aucun souci matériel. Certes, tant mieux pour eux. Mais l'argent, en nous simplifiant la vie, nous oblige à nous enfermer dans un cocon protecteur. Lorsque l'on est pauvre, que voulez vous que l'on vous prenne ? En revanche, lorsqu'on est riche... On est obligé de s'éloigner des autres. On n'a plus que les actualités télévisées comme fenêtre sur le monde. Son visage change.

    Dans le temps, les auteurs passaient des heures à la terrasse des cafés, en regardant les autres vivres. En puisant un maximum d'idées de tout ce mouvement. Tandis qu'aujourd'hui, même les jeunes auteurs ne passent presque plus par le canal classique des comités de lecture. Si généreux en idées nouvelles. Faut dire que cela s'avère si peu productif... La faute à internet !

    En effet, il est tellement facile de nos jours de fabriquer un livre. De l'éditer en quantité suffisamment réduite pour rester dans des investissements raisonnables pour un particulier. D'autant que, lorsque dans le passé, le lecteur tombait sur une faute d'orthographe, l'ouvrage entier en perdait forcément toute crédibilité. La sentence était sans appel.

    Aujourd'hui, avec tous ces forums truffés de fautes d'orthographe, parfois même tellement qu'il faut s'y reprendre à plusieurs fois avant de comprendre ce qu'il a bien voulu dire. On fini par s'y habituer. Aujourd'hui, la sentence est bien moins cruelle. L'utilisation d'un simple logiciel correcteur orthographique suffit pour ne plus indisposer le lecteur lambda.

    En revanche, notre vie de tous les jours, rythmée par cette course incessante pour attraper cette fichue correspondance ferroviaire, fait qu'on a plus de temps à perdre. Lorsqu'on commence un livre, il faut qu'il tienne la route. Qu'il ne se perde pas dans des directions inutiles. On n'a plus le temps de prendre le temps. Sauf peut-être en vacances. Mais comme on va de plus en plus loin, pour trouver des livres écrits en français...

    Ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui on ne trouve plus de ces téléfilms hongrois qui filmaient pendant vingt minutes une feuille morte voltigeant au grès des courants d'air. Scènes certes très poétiques, mais aussi, tellement ennuyeuses.

   Et un jour, est apparu ce que l'on a pris l'habitude d'appeler la littérature fantastique. Monde étrange qui échappe aux majors de l'édition. Étrange univers qui fait un homme riche en trois ans, puis le ruine pour le reste de sa vie en lui laissant pour éternels regrets le goût de l'argent facile. En d'autres termes, quand la sauce prend...

   Comment ça marche ? Je crois que nul ne le sait. Mais il faut le voir pour le croire. Savoir qu'il suffisait de placer cette vidéo sur Facebook pour faire le buzz.

   Mais est-ce un mal ?

   Pourquoi ne pas tenter sa chance ?

   Qu'est-ce qui permet d'affirmer que ça ne marchera pas ?



03/06/2012
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