Qui suis-je ?
Et pour qu'elle raison en suis-je arrivé là ?
Un petit hublot rond, au verre épais, avec joint étanche. De l'autre côté, tout est jaune, flou.
Progressivement, un décor se dessine. Un abîme désertique se précise en se rapprochant de plus en plus vite. Au dernier moment, juste avant l'impact, un grand nuage de poussière se soulève brutalement. Obscurcissant la vue, et la chute s'arrête dans une toute dernière secousse. Sèche, brutale. Puis, le calme revenu, la poussière se repose lentement restituant la vue très progressivement.
Le sol, tout proche, n'est plus qu'un parterre désertique. Composé uniquement de galets et de terre effroyablement sèche.
Puis, le hublot a disparu d'un coup en basculant vers le bas. Libérant le passage. Articulé autour de sa charnière, il s'est balancé misérablement dans le vide. Un pied, mon pied, est entré dans le champ de vision. Je suis sorti de l'habitacle, ou plutôt je me suis laissé glisser sur ce sol rocailleux. Sur ce désert de pierres.
À peine dehors, inspection de l'environnement. Le désert de caillasse s'étendait à l'infini. Enfin, situé en contrebas, mon champ de vision s'avérait limité. Au lointain, quelques collines. En me retournant, elles finissaient par se transformer en montagnes, aux limites de ma vision. Et un nuage blanc est apparu dans le ciel. Je n'ai pu m'empêcher d'exprimer un « MERDE ! » d'inquiétude.
Je suis alors parti en courant dans ce désert de rocailles. Le plus vite possible vers le bord de cette étendu sans fin. J'étais en danger !
Ma vision était saccadée, rythmée par le pas de ma course. Elle semblait sans espoir. Je m'essoufflais sans que cette extrémité salvatrice ne se rapproche. Je m'obstinai. La peur de la mort me donnait des forces. Je manquais de trébucher, continuais quand même, rythmé par ma respiration saccadée. J'avais l'impression que je n'y arriverais jamais. Mais le bord du désert a enfin commencé à se dessiner. Lointain, vague, au début, il devenait de plus en plus grand. Cette perspective m'a encouragé. Ma course a gagné en sérénité. Et c'est en gravissant cette petite rive, à peine plus haute que moi, que je me suis enfin senti en sécurité.
Arrivé au sommet du rebord, la végétation a changé. Le désert caillouteux, vide de toute végétation, a laissé place à un tapis de touffes d'herbes éparses. Au sol, était tracé un petit chemin étroit qui longeait l'élévation sur toute sa longueur. Il avait probablement était créé par le passage répété des personnes habituées des lieux. Et, un peu plus en retrait, une maigre forêt de buissons épineux, difficilement pénétrables bordait ce chemin de pécheurs.
J'ai fait le choix d'une direction, sans trop savoir ou elle allait me conduire. Dorénavant le temps ne m'était plus compté. En longeant la rive de ce côté-ci, ou de l'autre, il finirait bien par me conduire quelque part. Puis, il s'est orienté brusquement à la perpendiculaire de la rive en zigzaguant entre les épineux.
Ma marche s'est faite plus silencieuse. Je me suis baissé, en cherchant à me dissimuler dans la végétation. Il ne me fallait pas être repéré.
A un certain moment, des bruits de jeux se sont fait entendre. Plus je m'approchais et plus ils augmentaient. J'avançais en silence, faisant très attention de ne pas être vu. Des voix d'enfants insouciants perçaient la végétation opaque. Des rires éclataient par moment, ressemblant au chant d'une source limpide.
J'ai réussi à contourner cet obstacle sans me faire prendre. C'est tout le village qu'il m'a fallu éviter en passant totalement inaperçu.
Puis, peu après la sortie des habitations, le chemin que je suivais s'est mis à monter en partant à l'assaut de la montagne. Plus j'avançais et plus la pente devenait raide. Le sentier étroit rejoignait une voie caillouteuse plus large. De la largeur d'un véhicule à quatre roues. L'ascension n'en était que plus fastidieuse. Les cailloux roulaient sous mes pas avec un sol aussi sec. La route s'élevait dans une ligne droite qui semblait interminable. J'avançais comme un automate, je ne sentais plus la fatigue. Il me pressait d'arriver au prochain virage. La végétation s'était faite rase. J'avais l'impression que tous allaient me voir.
En atteignant le virage tant espéré, j'ai découvert une nouvelle pente, encore continue et toujours en ligne droite, mais un peut moins raide. Le paysage était en train de changer. La végétation devenait plus verte, moins désertique. Le contraste était merveilleux. En regardant légèrement sur ma droite une immense étendu d'eau m'a sauté aux yeux. Devant moi, à mes pieds, s'étirait un lac bleu-azur bordé d'un désert ocre-jaune. Et, au milieu flottait paisiblement mon vaisseau, entouré de ses boudins orange et noir, gonflés pour assurer sa flottaison. Au loin des montagnes à la cime d'une blancheur éclatante complétaient ce tableau idyllique. Cette vue de carte postale m'a coupé le souffle. J'avais l'impression d'être un géant. Que c'était beau !
Soudain, des cris se sont faits entendre dans mon dos. Je me suis retourné pour voir les villageois, vociférant, armés de bâtons, barres de fer, couteaux de cuisine et de tout autre instrument improvisé s'engager en courant sur le chemin poussiéreux, à ma poursuite. Je possédais certes une bonne avance sur eux, mais pas assez pour leur échapper indéfiniment. J'ai alors repris mon ascension en forçant le pas, sans courir, pensant qu'ils allaient finir par se fatiguer en jetant toutes leurs forces trop vite. Et effectivement, j'ai senti, sans me retourner, que leur énergie commençait à perdre de l'intensité. Il faut dire que la pente était tout de même assez raide. Enfin surtout pour eux. Avant d'être arrivé au milieu de la ligne droite, un coup de tonnerre s'est soudainement fait entendre. La pluie n'était plus loin. En relevant la tête, j'ai aperçu le nuage qui avait paru si lointain tout à l'heure. Et il m'arrivait dessus. Je me suis retourné pour découvrir que je n'avais plus le temps de me mettre à l'abri. Les villageois, eux aussi, l'avaient vu. Ils dévalaient la pente en catastrophe. C'était la panique. Sauf qu'eux, ils étaient proches de leurs habitations. Ils y arriveraient bien avant que l'orage ne les atteigne. Moi, je ne savais plus que faire. J'hésitais. Si je revenais sur mes pas, non content d'être mouillé, ils allaient me tuer. Et si je continuais, je filais droit sur l'orage. Je n'avais plus le choix. J'ai repris mon ascension en courant. La peur me nouait les tripes, chaque seconde comptait. Peut-être allais-je trouver un abri providentiel dans une paroi de la montagne. Une petite grotte…
Et surprise, au détour du virage suivant, la pente a cessé. Le chemin est devenu goudronné. Et surtout, il est parti à quatre-vingt-dix degrés, pour s'engager dans le contournement du pic de cette petite montagne. Et surtout il se détournait de l'orage, qui maintenant était tout proche. Ces abrutis de villageois, allaient se le prendre et moi je resterais bien au sec. Cette idée m'a remplit de bonheur.
Les effets de l'altitude commençaient à se faire sentir. L'air était plus humide. J'avançais d'un pas alerte sur cette route goudronnée, au milieu d'une forêt. Une bonne odeur de champignon parfumait mes narines. L'endroit semblait paisible. L'orage, si menaçant il n'y a pas si longtemps, s'éloignait de moi maintenant. Le danger était passé, et je me disais que j'avais eu beaucoup de chance cette fois-ci.
Et c'est au moment où je pensais être enfin en sécurité qu'au détour d'un virage un chien d'attaque m'a sauté dessus. Dans un réflexe j'ai envoyé l'avant-bras pour me protéger. Heureusement il ne m'a mordu que sur le matelas anti-morsure. J'étais entraîné pour combattre les chiens. En acceptant le combat, en avançant sur lui, je l'ai obligé à relâcher sa prise. Il tentait de se débarrasser de ce corps qui cherchait à l'étouffer. Ce qui m'a laissé le temps de me saisir de mon poignard et de l'égorger proprement. Le chien gisait maintenant à mes pieds, inerte. Et je l'ai enjambé pour continuer ma route.
Tout ceci s'était passé si vite, en quelques secondes, sans bruit. Mais je me doutais bien que, s'il y avait eu un chien de garde, c'était qu'il devait y avoir quelque chose à garder. Encore une petite dizaine de mètres parcourue en silence, et un bruit d'eau qui coule a attiré mon regard sur la droite. Un garde était en train d'uriner contre un arbre, en bordure d'une clairière. Je me suis glissé sans bruit dans son dos et, sans lui laisser le temps de finir, je lui ai tranché la gorge à lui aussi.
Au milieu de cette clairière se dressait une petite cabane surmontée d'une énorme antenne semi-sphérique orientée vers l'espace. J'espérais que le deuxième garde ne m'avait pas vu, que je pourrais encore bénéficier de l'effet de surprise. J'ai contourné la clairière afin de ne pas arriver dans l'axe de la porte restée ouverte et, en m'approchant sur la pointe des pieds j'ai réussi à voir à l'intérieur du local. Beaucoup plus sombre comparé à la clarté du jour, j'ai eu du mal à distinguer quelque chose dans un premier temps. Puis j'ai entendu une radio qui crachote une conversation lointaine sans aucun intérêt. Le deuxième garde était là, assis devant le poste de radio, me tournant le dos. Il s'ennuyait à mourir. Lorsque je suis passé par la porte, il m'a prit pour son collègue. Et, avant qu'il n'ait eu le temps de me poser une question, je lui ai réservé le même sort.
C'était presque trop facile, j'ai changé la fréquence d'émission, émis le « GO » attendu, sortis de la cabane de bois et regardé le ciel pour voir surgir trois vaisseaux noirs avec une tête de mort peinte sur la coque.
Plus le temps passe, et plus je me demande pourquoi je fais ça. Enfin, pour cette fois-ci je n'en sais rien. Mais, pour ce qui est de la dernière communauté religieuse que nous avons massacrée, j'ai fini par apprendre la vérité sur toute l'histoire. Notez que ce n'est pas une question de sentiments, je m'en fous de ces détraqués qui n'ont que la misère pour espoir. Non, c'est surtout qu'en vieillissant j'aime savoir pourquoi on m'a demandé de les tuer. Et dans ce cas vous allez rire.
On aurait trouvé de l'or sur leur planète. Quelle drôle d'idée ? Tuer des gens pour si peu... Qui peut être aussi bête ? S'ils avaient voulu s'en procurer, il leur aurait suffi d'un vaisseau à propulsion poudre, à cause de la gravitation. D'un scanner détecteur de métaux, et d'aller en périphérie d'un champs météorite. C'est bien connu, ils y a toujours quelques météorites d'or massif qui y traînent.
Mais enfin, ça n'a aucune valeur. C'est le travail du bijou ancien qui commence à en avoir. Et encore, après faut se lever tôt, faire les marchés, trouver des gogos pour ce genre de vieilleries en or... Vous vous rendez compte du travail que cela représente. Et le plus drôle, j'ai appris, il n'y a pas très longtemps, que le commanditaire se serait fait descendre dans son bain par un de ces lieutenants...
Le con !